L’image d’Épinal : L’enseignant passe les consignes, les élèves se mettent au travail.
La réalité : L’enseignant passe les consignes, certains élèves se mettent au travail, d’autres non. L’enseignant papillonne frénétiquement d’une table à l’autre au secours des élèves qui appellent (ou pas). L’aide apportée est ponctuelle, restreinte et frustrante autant pour l’élève que pour l’enseignant (qui n’arrive pas toujours à aider tous ceux qui en auraient besoin)
Pourquoi les élèves ne se mettent-ils pas au travail ? Manque de motivation ? Difficultés d’apprentissage ? Concentration limitée ?
Peu importe. Ils gagneront tous à apprendre comment se mettre efficacement au travail, en se posant les bonnes questions, en utilisant les bons outils et les bonnes stratégies.
Pour apprendre aux élèves à s’en sortir par eux-mêmes, voici donc une idée intéressante : Le Sas d’entrée dans l’activité
(ou « Sas d’entrée en tâche » assez proche également de ce que certains appellent la « Table d’appui » et fortement inspiré de l’Enseignement explicite)
Un excellent outil de différenciation qui permet un enseignement explicite, à la portée de tous.
Qu’est ce que le Sas d’entrée dans l’activité ?
Définition d’un Sas dans le langage courant :
Un sas est un caisson ou une pièce étanche entre deux milieux différents, munis de deux portes étanches.
C’est aussi un passage sécurisé pour les personnes dans certains bâtiments comme les banques, ou une porte technique d’un véhicule (bateau, sous-marin, vaisseau spatial) permettant le passage de deux milieux différents, ou un caisson permettant d’introduire des objets dans un lieu où règnent des conditions particulières.
Le SAS d’entrée dans l’activité quand à lui, va permettre d’intercaler une étape entre :
– la consigne donnée par l’enseignant
– Le travail en autonomie
Il facilite le passage de l’un à l’autre.
Pour les élèves qui en ont besoin, le sas est un espace de travail sécurisant où trouver les ressources nécessaires à l’accomplissement de la tâche demandée.
Concrètement, rien de bien compliqué :
- L’enseignant est assis à une table entourée de chaises en nombre limité.
- Cette table représente un lieu spécifique qui définit un cadre spécifique pour l’entrée dans les apprentissages : plus propice qu’une aide ponctuelle et limitée dans le temps sur un coin de table
- La plus-value va être apportée par ce qui va se passer autour de cette table : Sollicitations, apports d’outils, de ressources… (Plus d’infos dans la suite de l’article)
Le sas permet d’aider peu d’élèves pendant un temps certain, plutôt que d’aider plusieurs élèves pendant peu de temps
A quoi sert ce sas ?
OBJECTIF PRINCIPAL : Apprendre ensemble à travailler seul
Mais aussi :
- Mise au travail plus rapide pour tous
- Accepter d’éprouver de la résistance lors de l’entrée dans certaines activités
- Permettre aux élèves de développer des méthodes de travail, de construire leur pensée.
- Recueillir des informations sur les forces et faiblesses des élèves
Quels élèves vont bénéficier du Sas ?
Quelques conseils :
- On peut éventuellement laisser le choix aux élèves : les élèves qui pensent en avoir besoin peuvent s’y rendre.
- Veiller à la variation de la composition du groupe (pour éviter jalousies et stigmatisation)
Que va-t-il s’y passer ?
On arrive à l’essence même de ce qui va faire que cette simple table va pouvoir se transformer en sas d’entrée dans la tâche :
Il faut garder en tête que le but est de rendre les élèves autonomes (le but du sas est qu’un jour il n’y ait plus besoin de sas).
Pour y parvenir, il me parait essentiel que l’enseignant tienne uniquement un rôle de guide pour permettre aux enfants d’élaborer leur propre plan d’action pour la suite.
Voici donc quelques idées de questionnements pour animer ce sas d’entrée dans la tâche, qu’il se déroule avant un nouvel enseignement, pendant, ou même après.
Avant un nouvel enseignement
- Questionner les élèves présents sur les Pré-requis : « Que savez-vous déjà sur… ? » « Que faut-il avoir en tête pour… ? »
- Réactiver leurs connaissances : « Qu’a-t-on fait avant sur… ? »
- Préparer les apprentissages à venir : « Tout à l’heure avec les autres, nous ferons… nous apprendrons… il faudra savoir que… »
(Permet aux élèves d’anticiper la séance en fournissant quelques clés. Leur évite de se sentir trop en retard)
Pendant l’enseignement
- « Qu’est-ce que vous avez compris ? »
- « Qu’est-ce qu’on vous demande de faire ? »
- « A quoi ça va servir ce qu’on demande de faire ? »
- « Comment allez-vous faire ? »
- « Quels sont les éléments qui vont vous servir ? »
- « Comment allez-vous les utiliser ? »
ATTENTION : Les questions gagnent à être formulées de manière positive :
– ce qu’ils peuvent faire, comment s’y prendre etc.
– plutôt que ce qu’ils n’ont pas compris, ce qu’il faut éviter etc.
De plus, les questions seront, de préférences, adressées à « vous » plutôt que « nous » (qui inclurait l’enseignant) pour inciter les élèves à aller vers un fonctionnement autonome, sans l’aide de l’adulte.
Après ce questionnement, on peut également :
- Soutenir : « Nous allons lire ensemble… » « Vous me dites quelle opération utiliser, je fais le calcul… » « Vous me dictez, j’écris… »
- Adapter : « Vous allez colorier les nombres à ordonner dans le tableau de numération… »
- Évaluer (de manière formative) : Nous travaillons sur… pouvez-vous m’expliquer… Qui peut m’expliquer ce qu’on a appris jusqu’à aujourd’hui sur … ?
Après l’enseignement
- Exercer : « On va s’entraîner ensemble à… »
- Revoir : « J’ai vu dans vos évaluations que vous n’êtes pas encore à l’aise avec … Nous allons… »
A tout moment
- Entretien d’explicitation : « Comment as-tu fait pour arriver à ce résultat ? » « Peux-tu m’expliquer ce que tu as fait pour résoudre ce problème ? » « Qu’est-ce qui t’a fait choisir cette manière de faire ? » « Comment sais-tu que ta réponse est correcte ? » « Comment aurais-tu pu t’y prendre pour aller plus vite ? »
Pour plus d’infos, je vous conseille le livre passionnant de Pierre Vermersch : L’entretien d’explicitation - Modélisation par un pair : « Untel va nous montrer comment il a fait pour …. »
- Modélisation par l’adulte : « On va refaire les étapes ensemble pour voir comment mieux réussir… »
- Institutionnalisation : « À quoi allez-vous être attentifs la prochaine fois ? » « Que retient-on ? » « Qu’est-ce qui est le plus important ? »
- Apprendre à apprendre : « Il faut que chacun retienne les étapes de résolution : est-ce que vous voulez les copier sur une fiche pour les retrouver facilement ? »
- Traitement des erreurs : L’erreur est un outil-clé pour différencier. Le sas peut être le lieu pour analyser les erreurs des
élèves, les classer pour y apporter la réponse la plus adaptée. Voir L’erreur, un outil pour enseigner de Jean-Pierre Astolfi - Méthode de pensée à voix haute (ou think aloud) : « Dis à voix haute ce que tu te dis dans ta tête pendant que tu fais… »
Des cartes-questions pour les élèves
J’ai créé quelques cartes qui regroupent certaines questions proposées ci-dessus pour encourager les élèves à se poser les bonnes questions.
Les cartes sont accompagnées d’une affichette qui peut servir à identifier le lieu du sas.
Télécharger « questions SAS d’entrée.pdf »
On peut envisager une progression dans leur utilisation :
- Lors des premières séances au sein du sas : l’enseignant choisit lui-même les cartes-questions auxquelles les élèves devront trouver ensemble des réponses.
- Par la suite : les élèves choisissent eux-même les questions pertinentes en fonction de la situation avant d’y répondre.
- Enfin : plus besoin de cartes. Les élèves sont capables de se poser les bonnes questions avant de commencer leur travail.
Et après le Sas que se passe-t-il ?
Après être passés par le SAS, les élèves poursuivent leur travail individuellement (ou en binôme/petit groupe), à leur place.
Il est également possible de basculer vers un tutorat puisque certains élèves de classe (qui ne seront pas passés par le sas) auront terminé leur travail.
(Attention aux élèves manquant d’autonomie psychique : ils doivent aussi apprendre à penser par eux-mêmes
A quoi faire attention ?
- Toute aide doit tendre à être provisoire pour laisser place à l’autonomie des élèves. Le sas ne fait pas exception à la règle.
Essayer d’estomper progressivement les aides ou le recours au sas. - Repérer les élèves inhibés qui ne se portent pas volontaires pour le sas, les inviter si nécessaire
- Repérer les élèves volontaires par « facilité intellectuelle » et les inciter à amorcer le travail seul
- Apprendre aux élèves qui ne participent pas au SAS à travailler en autonomie : Ils doivent savoir précisément ce qu’on attend d’eux et durant combien de temps
Mais tout ceci se régule assez vite quand le processus se ritualise.
D’où vient cette idée ?
L’idée m’est venue suite à la lecture des documents ci-dessous. J’ai compilé les apports des deux et ajouté quelques idées et fonctionnements que j’avais déjà.
Conférence de consensus du Cnesco de mars 2017 : Differentiation pédagogique : comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves :
Le SAS d’entrée en Tâche à Montélimar sur le site de l’ifé (centre Alain Savary)
Et pour aller plus loin ?
Si le Sas d’entrée dans l’activité vous parait pertinent, je peux parier que l’enseignement explicite devrait vous plaire tout autant.
Pour plus d’infos c’est ici :
Comment favoriser l’implication des élèves avec l’Enseignement Explicite
Dans les mois à venir, je vais travailler en co-intervention avec 4 enseignantes de CE1-CE2.
Le principe de départ : je gère le SAS, l’enseignante de la classe gère le reste de la classe et aide à l’orientation de certains élèves vers le SAS.
Nous ferons peut-être évoluer le fonctionnement au fur et à mesure.
J’essayerai de vous faire un retour.
Et vous ? Vous avez déjà essayé le sas d’entrée dans l’activité ?
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