Accueillir un élève malvoyant dans sa classe c’est plus ou moins aisé selon les jours, les moments, les activités…
Mais au quotidien, ce qui pose souvent le plus de questions à mes collègues enseignants c’est le graphisme ou l’écriture.
Comment tracer quelque chose qu’on ne voit pas ?
Comment réguler le tracé sans contrôle visuel ?
Voici donc quelques pistes, trucs, astuces à explorer :
Comme toujours, les adaptations présentées ici peuvent être élargies à un grand nombre d’élèves, même non-malvoyants. En effet, certains élèves ont du mal à gérer les informations visuelles et sont plus à l’aise avec l’auditif ou le kinesthésique.
Pour plus de détails, vous pouvez aller lire l’article suivant :
Se servir des adaptations pour faire progresser toute la classe
Est-ce vraiment utile de lui faire faire du graphisme ?
Oui oui oui !
Même si c’est un enfant qui apprend le braille, il apprécie souvent de faire les activités proposées avec les autres. En adaptant un peu les modalités (voir les paragraphes suivant), c’est une opportunité pour lui de découvrir le code commun.
De plus, les activités sensorielles que l’on peut leur proposer (peinture au doigts, lettres rugueuses etc.) participent positivement à leur développement.
Avant toute chose
Se renseigner auprès des parents, du médecin scolaire, des spécialistes qui l’accompagnent : SESSAD « Déficience visuelle » (S3AIS chez nous), orthoptiste ou autre. Ils connaissent généralement l’enfant depuis plusieurs années. Ils auront certainement des astuces à vous apporter.
Que voit il exactement ? De loin ? De près ? A-t-il besoin de contrastes importants ? Voit il certaines couleurs uniquement ? Son champs visuel est-il rétréci (dans ce cas là éviter d’écrire trop gros) ?
On peut aussi demander à l’enfant :
- Est-ce que tu vois les images du livres quand tu es assis ici ?
- Est-ce que tu reconnais les copains autour de la table ?
- Est-ce que tu vois le ballon quand il est à l’autre bout de la salle de motricité ? Et quand il bouge ?
- Est-ce que tu vois mieux avec les rideaux ouverts ou fermés ?
- Etc
Permettre de compenser le visuel par l’auditif
Des conseils de base, valables pour le graphisme et tout un tas d’autres choses… mais tellement essentiels.
3 critères importants :
- La proximité physique entre l’enfant et l’enseignant.
Ceci permet une bonne imprégnation auditive,
avec moins de parasites sonores (les copains qui bougent, font tomber leur crayon, chuchotent…).
En ateliers dirigés, s’asseoir à côté de lui.
En classe entière, s’approcher de lui au moment de la passation des consignes… - Une ambiance calme et silencieuse.
Pas toujours facile à obtenir. Mais on peut y arriver, au moins pour certains temps ciblés.
Il peut être utile d’expliquer aux élèves que c’est nécessaire pour que TOUS puissent bien travailler : malvoyants mais aussi malentendants, TDAH, hypersensibles… beaucoup souffrent du bruit et grillent inutilement une partie de leur capacité de concentration à cause de ça. - L’utilisation de mots adaptés.
Eviter les indicateurs spatiaux trop flous (Par exemple ça, là, là-bas, ici…)
Utiliser plutôt des descriptions fines et précises (au milieu de la table, à gauche de la porte…)
En ce qui concerne le graphisme
Adapter le support
- Agrandir le support si c’est pertinent pour l’enfant : à voir en fonction de ce qu’il voit plus aisément. Si le champs visuel est rétréci il vaut mieux éviter de trop agrandir.
- Proposer un support bien contrasté : Augmenter les contrastes à la photocopieuse ou repasser au feutre les parties trop claires.
Adapter les outils proposés
- Faire utiliser des outils qui permettent le meilleur contraste avec le fond : feutre plutôt que crayon de couleur ou crayon à papier.
- Utiliser de préférence des feutres à pointe un peu large pour que le tracé soit plus visible.
- Moi, j’aime beaucoup l’utilisation du fusain : super contraste et le crissement sur le papier permet un repère auditif.
Passer les consignes
- Quand on trace un modèle : Verbaliser ce que l’on fait : « Je monte, je monte, je monte… stop je m’arrête… je redescends… ». On devrait d’ailleurs toujours le faire, ça aide tellement d’enfants !
- Laisser un modèle à disposition, près de l’élève plutôt qu’au tableau.
Appréhender le geste
Il est préférable de proposer une entrée dans l’activité par le geste uniquement, sans notion de tracé.
Le contrôle visuel n’est donc pas indispensable.
Par contre, certains enfants réussissent beaucoup mieux si on les autorise à s’autoguider à voix haute (Ex : « Je monte, je tourne, je redescends ! »)
Ces conseils seront profitables à TOUS les élèves… on peut donc le faire en classe entière.
(En maternelle mais aussi au CP voire après pour l’apprentissage de l’écriture).
Et même mieux : on peut faire vivre ses activités à tout le monde, les yeux fermés : très bonne occasion pour se recentrer sur son ressenti, sans parasites visuels.
Fait étonnant, mais vrai : certains enfants écrivent beaucoup mieux les yeux fermés que les yeux ouverts ! Ils n’ont plus le stress du résultat final et parviennent mieux à se concentrer sur leur perception gestuelle.
Voici une idée de progression :
- Tracés en l’air : avec son bras, son doigt, un foulard ou en ruban en salle de motricité… On guide par la voix. Ou éventuellement, si l’enfant est d’accord, on peut prendre ses mains pour effectuer le geste au départ.
-
Tracés contraints : Avec des pistes graphiques de style Goula – 55011 – Pré-écriture qui ont un élément mobile mais qui ne peut pas sortir de la piste.
Attention : Pour l’utilisation des pistes graphiques (celle-ci et celles ci-dessous), il est impératif de veiller au sens d’écriture de gauche à droite. Aider l’enfant à repérer le départ (A gauche), le laisser évoluer jusqu’au bout de la ligne (A droite). Puis passer à la ligne suivante (s’il y en a une).
Eviter de lui faire faire des allers/retours.
On peut soit ramener le curseur au départ soit même, soit lui proposer de retourner la plaque (si possible en fonction du materiel à disposition) - Tracés guidés : Avec des pistes graphiques qui ont un chemin creux qui guide le doigt ou l’outil. J’aime bien les pistes Miniland car elles sont en plastiques. Ca permet par la suite, de faire des tracés au feutre, au fusain (super contraste) et même à la peinture.
On peut aussi utiliser les pistes BSM (Kit Pré-Ecriture Montessori) en bois, qui peuvent être suivies avec le doigt ou un stylet.
Et si on est courageux, on peut aussi envisager de créer ses propres pistes.
En carton plume assez fin, armé d’un cutter :
Image du blog Recetteeducative
En carton ordinaire :
Avec une grille de four/frigo…
Soyez créatifs !
On trouve aussi des pistes pour les chiffres et les lettres :
J’ai cherché des pochoirs… mais rien trouvé d’assez grand et surtout épais… si jamais vous avez une idée, je prends !
- Tracés rugueux Pour le graphisme, je ne connais que les Goula – 51000
On suit la trace rugueuse du bout du doigt (et on respecte toujours le sens d’écriture ;))On peut aussi en créer soit même en découpant du papier à poncer (long, fastidieux, et criminel pour votre paire de ciseaux)
Autre option : faire le tracé au pistolet à colle chaude, mais la texture et moins évidente à suivre.
Image : Pitterandglink
Pour les lettres et les chiffres, j’avais déjà rédigé un article à ce sujet dans l’article suivant :
« Lettres à toucher, chiffres rugueux et compagnie »
Passer aux « vrais » tracés
Il est souvent utile d’avoir un modèle tactile à portée de main.
Par exemple l’enfant repasse du doigt son modèle rugueux avant de tracer dans le sable ou autre.
Au début, il est plus facile de faire des tracés au doigt qu’avec un outil.
- Tracés dans le sable : dans un bac à tracé Montessori… ou un grand plateau avec un fond de sable.
Pour accentuer le contraste, il peut être utile de fixer une feuille noire au fond du plateau… ou d’utiliser du sable noir (Ma recette : Sel de table mélangé à de l’encre noir et laissé séché.) - Tracés à la peinture à doigt
- Tracés sur un sac de gel ou de peinture. Utiliser là encore des couleurs bien contrastées :
Image HowIPlayWithMyMome : Le site d’Emmanuelle, psychomotricienne, à visiter de toute urgence, une vraie perle !
Et le coloriage ?
On peut utiliser des Coloriages velours.
Le principe : des contours en velours noir qui évitent de dépasser.
Ceux de Djeco sont très jolis, et bien adaptés au plus jeunes avec leurs formes simples :
Idée bonus
En fonction de l’enfant, vous pouvez proposer de travailler sur une table lumineuse.
Ca rend les contrastes plus évidents et assure un bon éclairage, bien réparti.
Et surtout, la plupart des enfants adoooorent travailler sur la table lumineuse. Motivation maximum.
Mais attention : certains enfants malvoyants, au contraire, ne supportent pas les lumières vives. Renseignez vous.
Images : HopToys
Et vous ? Vous avez d’autres idées à nous proposer ?
Ça peut être utile
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