Il n’arrive pas à séparer les mots ?
Elle écrit ses mots tous collés les uns aux autres ?
Il sépare les mots n’importe où… voire même un peu trop souvent ?
Leurs écrits sont donc difficilement lisibles…
Cest em bêtant maiscenestpas un surmontable !
Je vais vous expliquer comment je m’y prends pour aider ces élèves-là.
J’ai détaillé de nombreuses étapes. Je ne les utilise pas toutes pour tous les élèves.
Je m’adapte à ce qui leur parle, à leur manière d’appréhender les choses.
Si une étape ne fonctionne pas, je laisse de côté et tente la suivante.
Certains élèves ne savent pas précisément ce qu’est un mot.
Alors quand on leur demande de séparer les mots… c’est compliqué !
Je commence par leur demander ce qu’est un mot pour eux. Je les laisse s’exprimer à ce sujet.
Ce n’est pas facile… on pourra essayer d’aboutir à quelques idées :
- Un mot c’est plusieurs sons (ou lettres) qu’on met ensemble
- Ça veut dire quelque chose et UNE seule chose : un objet, un animal, une action, un concept…
- On se sert des mots pour faire des phrases
- Les mots sont séparés des autres : à l’écrit par un espace, à l’oral par une petite pause… enfin, pas toujours ! c’est ça qui est compliqué ! « Des éléphants » par exemple sera prononcé « Dézéléphants » on peut donc croire que ce n’est q’un seul mot !
il peut aussi être utile de citer des exemples de mots et de « non-mots ».
Pour essayer de rendre plus concret ce concept abstrait de segmentation des mots, on va passer par l’imaginaire et la manipulation.
J’explique aux élèves que les mots aiment être rangés dans des boîtes, des boîtes à mots. 1 mot par boîte. Chacun sa boîte. Pas de triche !
Les mots n’aiment pas trop la vie en société. Ils aiment bien être chacun chez eux. C’est pour ça qu’on laisse un espace entre chaque boîte. Ils ont besoin d’air !
(Vous pouvez aussi inventer votre propre histoire si vous voulez !)
Selon les activités proposées, les boîtes à mots pourront être des étiquettes, des cadres, des cerceaux… vous verrez par la suite !
Un petit test pour savoir où commencer
La première chose que je teste, c’est la capacité de l’enfant à segmenter les phrases en mot à l’oral.
Je lui donne un paquet de d’étiquettes vierges (bristol blanc découpé en petits rectangles), ce sera des boîtes à mots.
Je lui demande d’en poser une sur la table à chaque fois qu’il prononce un mot :
S’il y arrive, c’est bien, c’est du temps de gagné, on peut passer à l’écrit (paragraphe suivant).
Sinon, je poursuis le travail oral :
Jouer avec les mots et les phrases à l’oral
On s’amuse à dire une phrase avec des modifications par rapport à la phrase initiale :
- suppressions,
- rajouts,
- remplacements par des mots synonymes…
Par exemple :
« On va jouer à enlever, rajouter ou remplacer des mots dans une phrase.
Voici la phrase : Le petit lapin mange une carotte orange »
Répète : « Le petit lapin mange une carotte orange »
« Oh finalement, je n’ai pas envie de dire la couleur de la carotte. Tu peux me redire la phrase en enlevant le mot de la couleur ? »
-> Le lapin mange une carotte
« Oups ! plutôt, je voudrais un gros lapin. Tu peux changer le mot qu’il faut dans la phrase ? »
-> Le gros lapin mange une carotte orange
« Et si on rajoutait un mot pour indiquer la couleur du lapin ? »
-> Le gros lapin blanc mange une carotte
On peut terminer en écrivant la phrase sur les étiquettes vierges de la phase précédente.
Selon les élèves, il m’arrive aussi d’écrire les mots sur les étiquettes dès le départ, et d’effectuer les transformations à l’écrit en même temps que l’élève les effectue à l’oral.
Ce qui est important c’est de faire concrètement le lien entre le travail mené à l’oral et l’application qui en sera faite à l’écrit.
Sauter d’un mot à l’autre
Ici, les boîtes à mots seront des cerceaux.
On énonce une phrase à segmenter, par exemple « Le lapin saute dans le jardin »
L’enseignant dépose un cerceau par mot par terre (donc 6 cerceaux ici), alignés comme dans une marelle.
L’enfant saute d’un cerceau à l’autre et énonçant un mot par cerceau.
Pour les élèves qui rencontrent vraiment des difficultés, je passe la première pour servir de modèle.
Une activité qu’on retrouve sur le site suisse mobilesport.ch dans la rubrique Bouger pour Apprendre. (J’adore, j’adore, j’adore… la kinesthésie et l’apprentissage multisensoriel, ça me parle vraiment.)
Si cette activité a déjà été menée auparavant avec la segmentation des mots en syllabes, il est difficile pour l’enfant de se l’approprier autrement.
Dans ce cas, si ça ne marche pas, je laisse tomber, j’explique à l’enfant que je me suis trompée, que je ne lui ai pas proposé la bonne activité et on passe à autre chose !
Ecrire les mots dans les boîtes
On décide d’écrire une phrase. Il va bien sûr falloir séparer les mots correctement quand nous les écrirons.
Si l’élève a encore des difficultés à prendre le bon nombre de boites à mots (c’est à dire d’étiquettes), je lui donne directement le nombre de boites dont il aura besoin.
Mais je réfléchis à voix haute pour qu’il puisse s’approprier la stratégie à utiliser.
Par exemple :
« On va écrire : Le lapin mange une carotte. »
« Alors, je vais mettre une boite pour le premier mot… LE… oui ça c’est un mot ! je le connais, c’est comme LE cheval, LE garçon, LE cahier… je vais mettre une boite pour lui.
Ensuite : LA. C’est un mot LA ! LA fille, LA fraise… je le mets dans une boîte.
Je continue : PIN. Comme le pain du boulanger, ou comme l’arbre ! Mince… ce n’est pas ce que je voulais dire dans ma phrase ! Moi, je voulais parler d’un LAPIN, pas du pain.
Ah, en fait lapin c’est un seul mot ici ! Je mettrai lapin dans cette boite.
Je continue… MAN… ça veut rien dire… MANGE oui !
MANGEUNE… non parce qu’après je vais avoir besoin de UNE pour dire combien de carottes il mange… » etc.
Bon, ce n’est qu’un exemple, faite comme vous voulez, mais réfléchissez à voix haute si vous pouvez.
C’est l’occasion pour l’enfant de se rendre compte que pour segmenter une phrase en mots, il faut aussi s’appuyer sur le sens.
Pour exemple : à l’oral, les phrases « C’est l’analyse » et « C’est l’âne à Lise » se prononcent pareil.
Seul le contexte pourra permettre de segmenter correctement à l’écrit.
(Exemple tiré du livre 100 idées pour venir en aide aux élèves dysorthographiques)
Si vous n’avez pas trop le temps de verbaliser tout ça dans l’effervescence de la classe, donnez juste le bon nombre de boîtes, c’est déjà bien.
Si l’élève prend lui même le nombre de boîtes dont il va avoir besoin, il faut s’assurer que le nombre est exact avant de poursuivre.
Ensuite, l’élève écrit sa phrase en plaçant un mot dans chaque boîte.
Une fois la phrase écrite, il peut s’autocorriger :
- S’il lui reste des boites, c’est qu’il a mis 2 mots dans la même boîte ! Ils vont se battre ! Vite, il faut les retrouver et les séparer. (Un bon coup de ciseau et le problème est résolu !).
Si l’enfant n’a pas conscience qu’il s’agit de 2 mots, on peut s’appuyer sur les transformations de phrases : Par exemple s’il a écrit dans la même boîte LELAPIN , on peut lui demander comment on fera s’il y a deux lapins. DEUX LELAPIN ? Non ! DEUX LAPINS ! Alors le mot, c’est bien LAPIN.
- S’il n’a pas assez de boites, c’est qu’il a séparé un mot dans 2 boîtes différentes. Le pauvre ! Il n’a pas envie d’être coupé en 2. Il faut le chercher pour le réparer et le remettre en entier dans une boite.
Quand l’élève est plus à l’aise, on abandonne les étiquettes qu’on remplace par des cadres tracés sur le cahier : on va dessiner les boîtes à mots.
Là encore, selon l’habileté de l’enfant on peut tracer les boites nous-même ou lui laisser le soin de le faire.
Puis il écrit ses mots… un par boîte comme toujours !
On peut aussi transformer les boîtes en traits pour plus de rapidité.
Enfin, la dernière étape, c’est d’écrire ses phrases sans rien tracer du tout. Mais, au début, rien n’empêche d’imaginer les boites dans sa tête (ou de les tracer du bout du doigt) !
Pour certains élèves, une des étapes pourra perdurer longtemps, aussi longtemps qu’il en aura besoin.
Par exemple, pendant une période, il peut très bien tracer les boites à mots (ou les faire tracer à l’enseignant) dès qu’il aura une phrase à écrire : en dictée, pour une phrase réponse en résolution de problème, lors d’une petite production d’écrit etc.
Ajouts et transformations
Il est toujours utile d’expérimenter les transformations dans la phrase, comme on l’a fait précédemment à l’oral.
Enlever une étiquette, rajouter une étiquette, échanger une étiquette contre une autre… tout ceci renforce l’automatisation de la reconnaissance de l’entité mot.
Par exemple, si l’élève a écrit la phrase : « Le lapin mange une carotte » en utilisant une étiquette par mot,
On peut :
– Ajouter une étiquette blanche après carotte et lui demander d’écrire un mot dedans. (orange ? pourrie ? géante ? peu importe !)
– Faire de même à différents endroits de la phrase. Lui laisser ajouter une étiquette où il veut et écrire ce qu’il veut dedans…
Quand on arrive à une phrase assez riche, par exemple : « Le drôle de petit lapin mange rapidement une grosse carotte toute pourrie. », on peut commence à :
– Supprimer des mots : ce n’est pas possible de supprimer n’importe lequel, sinon la phrase n’a plus de sens !
– Remplacer des mots : est-ce que tu peux créer une nouvelle étiquette pour remplacer « petit » ? ou « lapin » ? etc.
Un outil à utiliser au quotidien
J’ai créé un document avec des bandes de boîtes à mots pour écrire des phrases de 2 à 10 mots.
Double utilisation possible :
- Imprimé en A4 puis découpées : Pour écrire des phrases au quotidien. Selon le niveau de l’élève, soit c’est l’enseignant qui donne la bonne bande, soit c’est l’élève qui choisit sa bande. Il suffit ensuite d’écrire les mots dans les boites et de coller la bande dans le cahier.
- Imprimé en A3 recto/verso et plastifié : Ça devient une ardoise sur laquelle on peut écrire avec un feutre effaçable ou un crayon Woody.
Télécharger « boîtes à mots Maitresseuh.pdf »
Petit précision sur la difficulté des phrases
Dans tous les exemples précédents, il faudra faire attention au niveau de difficulté des phrases proposées.
Voici les principales difficultés que l’on rencontre en ce qui concerne la segmentation :
- Les liaisons : « Les parents » sera plus facilement segmenté que « Les enfants » qui, à l’oral, est prononcé « Lézenfants »
- Les apostrophes : « Le lapin » sera plus facilement segmenté que « L’oiseau » qui, à l’oral, est prononcé « Loiseau »
Mais ce ne sont pas les seules. La segmentation orale n’est souvent pas la même que la segmentation écrite. « Il n’a pas tout » est prononcé « Il napas tout »…
Rudement difficile quand on réfléchit bien. Ce qui explique les erreurs de langage des touts-petits, bien avant même qu’ils soient confrontés à l’écrit : « Le navion », « Le léléphant » …
Comment faire quand il ne trouve pas l’erreur ?
Sous-segmentation
Il a écrit « Larbre » dans la même boîte et ne se rend pas compte qu’il faut les séparer ?
Je passe par d’autres exemples : un arbre, deux arbres, cet arbre… mais là encore, ça peut l’embrouiller et on peut obtenir « zarbre » « narbre » tarbre ».
Bien souvent, ça ouvre la discussion et on se rend compte que LE mot c’est le point commun entre tout ça : « arbre »
La solution radicale sinon, c’est de donner un autre exemple sans problème de liaison, apostrophe ou autre. Par exemple : « C’est un joli arbre »
J’explique le mot « joli » est pratique pour révéler les mots… on essayera de l’utiliser les prochaines fois en cas de doute.
Sur-segmentation
Il a écrit « Elle na vance pas vite ».
On repasse par le sens : Que veut dire « na » ? et « Vance » ? Si ça ne veut rien dire, c’est qu’on n’a pas coupé au bon endroit.
Par contre parfois, on tombe sur des mots qui existent :
« Le petit chaperon rouge a la voir sa grand-mère »
« a » ça veut dire quoi ? On peut le mettre dans une autre phrase ? « Il a des billes » « Il a faim »… ça veut dire « avoir quelque chose ». Dans notre phrase, est-ce que le petit chaperon rouge a quelque chose ? Qu’est ce qu’il fait ? Qu’est ce qu’il doit faire ? Il doit ALLER chez sa grand-mère etc.
En parallèle, on peut mener des petites activités pour renforcer les acquis et créer des automatismes :
Des mots pour faire une phrase
Donner régulièrement des phrases à remettre dans l’ordre (avec étiquettes-mots). Ca permet d’automatiser la reconnaissance des mots comme des entités à part entière… surtout pour les mots outils qui sont généralement difficile à appréhender comme des mots puisqu’ils codent un concept abstrait.
On peut utiliser par exemple Les phrases mélées de la classe d’Eowin
Phrase à découper
Le principe est de s’entraîner à segmenter des phrases dans lesquelles les mots sont tous collés les uns aux autres. Exercice assez classique.
On peut inventer soi-même les phrases ou les piquer dans un des textes étudiés en classe. Par exemple :
Taokimimelamomie
On peut alors les imprimer sur des bandes de papier et les élèves devront, au choix, séparer les mots d’un coup de crayon ou les découper aux ciseaux.
Photo tirée du blog de l’école de Vitrey-sur-Mance
On peut aussi utiliser des exercices tous faits. Moi j’aime bien les cartes de Cerianthe en classe parce qu’elles ont le mérite d’être illustrées.
C’est d’un grand secours pour certains élèves, ça facilite l’accès au sens.
On peut aussi utiliser un bâtonnet « monsieur espace » pour se souvenir qu’il faut séparer les mots. L’idée vient du blog Mrs Gilchrist’s class :
J’ai trouvé l’essentiel des infos de cet article dans le livre 100 idées pour venir en aide aux élèves dysorthographiques de Monique TouzinJe ne dis pas que TOUS les enfants qui rencontrent des difficultés de segmentation sont dysorthographiques mais comme toujours, les adaptations qu’on propose aux élèves dys sont profitables à tous. (A ce sujet, vous pouvez lire l’article Se servir des adaptations pour faire progresser toute la classe)
Ce livre est bourré de bonnes astuces pour aider les élèves qui pataugent avec l’orthographe.
Bien entendu, si les difficultés de segmentation perdurent malgré le travail mené et qu’elles s’associent à d’autres difficultés spécifiques dans le domaine du langage écrit, les parents peuvent se rapprocher de leur médecin traitant pour envisager un bilan orthophonique.
Si vous cherchez d’autres astuces pour aider vos élèves à progresser en orthographe, vous trouverez ce qu’il vous faut dans la rubrique suivante :
(Orthographie illustrée, 21 idées pour apprendre ses mots, jeu MOV pour activer la mémoire visuelle de l’orthographe des mots…)
Et vous ? Vous avez d’autres astuces à partager ?
Merci pour cet article très intéressant. Je suis allée directement télécharger « Spaceman » pour mes GS pour les aider à segmenter les mots quand ils recopient un titre, un énoncé…